25/02/2015

René Maret, histoire vraie d'un survivant des camps de la mort par Biblos



" Voici le récit qu'a légué le grand père de ma femme à ses enfants et petits enfants.
Même s'il a atténué se qu'il a subit, je pense que le récit vaut la peine d'être lu par tous ceux qui pensent à la survie."


Biblos

INTRODUCTION AU RÉCIT


René Maret, est le grand-père de ma femme.

Cet homme, maître d’armes, épéiste reconnu (il existe une salle d’escrime à Toulouse qui porte son nom) menait une vie ordinaire à Toulouse, quant en 1939, l’Allemagne a attaqué la France.

Après la défaite, refusant l’oppression, il est devenu résistant.

Pas un super héros comme on en voit dans les films, non, un simple résistant, risquant sa vie tous les jours, comme des milliers d’autres, un héros ordinaire en somme.

Il a connu l’arrestation, la torture, et la déportation. Comme des millions d’autres, il à vécu l’horreur au quotidien dans les camps de la mort, mais, par chance, il en est revenu.

Marqué à jamais, 25 ans plus tard, il a écrit ce livre, pour ses petits enfants, pour qu’ils sachent l’horreur que peut faire l’être humain. Mais cet homme était un « gentil », il a édulcoré son récit, pour ne pas les choquer. Leur faire savoir, tout en les protégeant. Pour, qu’ils puissent faire comme il disait :

« pardonnes mais n’oublies pas ! »

Le pardon, grâce à la construction de l’Europe, je crois que c’est fait.

Mais des faits récents, à moins de 2 heures d’avion, nous montrent, que hélas, l’homme a  tendance à oublier, et à recommencer les erreurs du passé. Par Internet ou la télévision, nous savons, mais nous ne faisons rien.

Alors, pour respecter sa mémoire, pour qu’il n’ait pas souffert pour rien, pour que sa mémoire ne se dilue pas dans l’histoire du monde et pour qu’il vive encore un peu en nous et à travers vous et qu’il nous (et vous) permette, en comprenant son récit et son pardon, de devenir peut être meilleur.

Pour que, peut-être, un jour, notre monde devienne un monde de respect et de tolérance  entre tous les être humains.

RENE MARET, 44727 - DE TOULOUSE A BUCHENWALT


Ce mémoire est écrit sans haine, sans exagérations, 25 ans après mon retour à la vie civilisée.  

Je pardonne à nos bourreaux, mais je n’oublierai jamais les heures inhumaines d’angoisse qu’ils nous ont fait vivre.  

Je certifie exacts tous les faits que je décris, les ayant vécus avec les combattants anonymes, qui, sans rechercher ni gloire, ni publicité, ont souffert et sont morts en silence.  

I – L’ARRESTATION


Le 2 octobre 1943, un lundi après-midi, nous sommes allés charger un camion de cartouches de 9 m/m, pour fusils de guerre, au château de Brax. Nous devions approvisionner les maquis qui se trouvaient à proximité des grottes du Mas d’Azil. Le chargement devait avoir lieu le mardi dans la matinée.  

Pour être prêt à être livré le lendemain, nous avons laissé le camion devant chez moi, pour passer la nuit.  

J’avais rendez-vous avec Carlier au Victoria, café tenu par Maurice, rue Bayard, pour la remise de messages et nous entendre pour la livraison du camion.  

A coté de nous, un ancien membre du Stade Toulousain, du nom de Benda, ancien sous-officier qui connaissait bien Carlier, est venu engager la conversation avec nous… Conversation bien anodine.  

Un fait qui s’était passé la veille est venu agrémenter les nouvelles que nous nous transmettions, je prononçais cette phrase :  
-  Hier, on en a descendu un, devant l’hôtel de l’Ours Blanc, rue d’Austerlitz.   

Sur un au revoir, nous nous sommes quittés.

Je m’étais éloigné d’une vingtaine de mètres quand j’entendis courir derrière moi, et m’entendis interpeller. C’était Benda qui me rattrapait pour m’annoncer qu’il avait des motos à cacher et qu’il ne pouvait le faire tout seul ; il me demandait mon concours.  
-  Ne te dérange pas, je viendrai te chercher vers cinq heures, nous en aurons environ pour une heure. Où pourrais-je te prendre ?  
-  Viens chez moi, 13 boulevard du Fourrage. Je t’attendrai, tu n’auras qu’à frapper à la fenêtre, ma fille t’ouvrira.  
J’avertis ma femme et Josette pour le lendemain, en pensant que j’arriverai assez tôt pour aller livrer le chargement qui était devant ma porte.

II - LE 12 OCTOBRE 1943


En effet, à cinq heures le lendemain matin, d’une voiture descendent trois allemands, qui après avoir frappé à la faner, bousculent ma fille qui croyait avoir affaire au camarade que j’attendais. Comme des énergumènes déchaînés, font irruption dans notre chambre, revolver et mitraillette au poing. Ils me laissent à peine le temps de m’habiller et nous prenons la direction de la prison Furgolle, sans un mot, sans une explication.  

Je suis incarcéré dans un local sans fenêtre, sans air et sans lumière, en forme de rotonde, ancienne prison militaire du nom de « La Tour ». Ce n’était pas un endroit bien douillet, mais le pire c’était une invasion de punaises qui avaient bon appétit.  

Plusieurs cherchent à savoir pourquoi j’ai été arrêté, si j’ai des camarades dehors, si j’ai l’intention de m’évader. Devant l’avalanche des questions très prudent, j’étais aussi innocent que l’enfant qui venait de naître, j’ignorais en réalité le motif de mon arrestation.  

Sitôt mon départ de la maison, ma femme a envoyé ma fille au moulin de la Chanson, aux Ponts Jumeaux, chez Popaul, qui était notre agent de liaison, pour le prévenir de mon arrestation et lui signaler le camion qui était devant ma porte.  

Pendant ce temps, elle faisait une fouille très détaillée de toute la maison, faisant disparaître tous les papiers compromettants : cartes grises, certificats de propriété, autorisation de circuler, le tout en blanc et signé du maire et du préfet, ainsi que l’ordre du général commandant de la garnison, intimant aux employés de l’octroi de laisser passer nos camions sans vérifications de leur contenu.  

A neuf heures, les agents de la Gestapo sont venus perquisitionner. Heureusement, le camion était parti. Ils n’ont trouvé que des boîtes de conserves et sont repartis sans preuves de mon appartenance à un groupe de résistance, grâce au sang froid de ma femme qui n’a pas perdu le nord face à cette circonstance.  
Vers deux heures, on vient me chercher pour mon premier interrogatoire, direction rue Maignac (actuellement rue des Martyrs).  
On me conduisit au premier étage. J’ai pensé à l’homme invisible de Wells, aux contes de fées, à Dieu, à tout ce qui est capable, dans les livres, de faire un miracle. Mais rien ne s’est passé. On me fait entrer dans un bureau. Deux gaillards se précipitèrent sur moi et la première réception se solda par un K.O. en règle. 

A peine remis, ils m’offrirent une cigarette ; sur mon refus, ils recommencèrent la séance. J’avais les mains attachées avec des menottes, ils étaient très courageux…  

A peine remis, une pluie de questions en français, en allemand : pourquoi ? où ? comment ? qui ? quoi ?  

Cela a duré un bon moment, et pendant que j’étais au pays des songes, tout avait disparu de mes poches. Une famille de sauterelles sur un épi de blé.

Après avoir décliné nom, prénoms, situation de famille, moyens d’existence :

- Réfléchis bien, on t’interrogera demain.  

Non, étais- ce possible ! C’était peut-être là le miracle tant attendu. J’avais donc toute une nuit pour préparer mes réponses, c’était splendide. Je me sentis un peu soulagé, car assommé et interrogé, que ne dit-on pas sur le coup comme bêtises, aussitôt reprises et exploitées par ces bourreaux !  
Je fus conduit dans la cave qui servait de salle d’attente, d’où un couloir central menait à plusieurs pièces, meublées d’une planche qui servait de couchette. Le silence était de rigueur et seul le troublait le bruit des pas du garde chiourme à mine patibulaire qui, comme notre ange gardien, veillait sur nous et nous narguait.

Le lendemain matin, séance de culture physique, pour nous assouplir pour les épreuves que nous allions avoir à subir dans la journée, vers 10 heures, ils viennent me chercher pour le premier interrogatoire sur le motif de mon arrestation. 

Je suis introduit dans un magnifique bureau. Une dactylo allemande derrière sa machine, en face un monsieur en costume marron, qui commence à me parler gentiment, me prévenant que si je veux bien collaborer avec eux, je serai bientôt libre. 

Profitant de ces bonnes dispositions, je lui demande pourquoi ils m’ont arrêté. Me regardant dans les yeux, il me dit : 

- C’est vous qui avez tué l’inspecteur qui sortait de l’hôtel de la rue d’Austerlitz ?

Devant ma mine ahurie, il ajoute : ou bien vous y étiez ?

La dactylo tapait sans arrêt. Je me suis défendu comme quelqu’un qui veut sauver sa peau et terminait en lui demandant sur quoi il basait son accusation.

- Vous savez bien ce que vous avez dit au café Victoria : « on en a descendu un ».

Un trait de lumière : je connaissais le motif et l’indicateur qui m’avait donné.

Il pressa sur un bouton, une jeune femme entra, m’examina ; elle fit un signe de dénégation et se retira. Probablement un témoin qui avait vu les exécuteurs.

La dactylo ferma sa machine ; je compris que l’interrogatoire était terminé. Le monsieur prenant son air bon enfant, me dit :

- On vous relâchera bientôt. Si vous avez quelque chose à me demander, ou à me dire, pour activer votre libération, demander à parler au commissaire Muller.

La séance s’était passée mieux que celle de la veille. On me remit les menottes et cette fois,

Direction la prison « Saint-Michel »


Vous pouvez consulter la suite de ce témoignage sur : 
https://docs.google.com/file/d/0BxyLe3H9455PUW93NUt0bUxXRWM/edit?usp=sharing
  

3 commentaires:

Témoignage poignant et riche en enseignements ... Merci !

Une belle leçon d'histoire

Un grand monsieur ...

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